COVID-19 : Quel impact sur le secteur bancaire et financier ?

Publié le : 31 mai 202214 mins de lecture

Dans le contexte de la crise sanitaire majeure que traverse la France et la récession économique anticipée induite par les mesures du gouvernement pour faire face à l’épidémie de Covid-19, le soutien de l’Etat et des banques aux entreprises est devenu le rempart majeur face à la crise de liquidité qu’elles subissent.

Conscients de cet enjeu, les organes de supervision bancaire et financière – français et européen – ont adopté un certain nombre de recommandations et/ou de décisions visant à soutenir les banques en leur permettant de se consacrer en priorité à leur activité d’octroi de crédit aux entreprises.

I. Les mesures de soutien aux entreprises

1. Les mesures mises en œuvre par l’Etat et Bpifrance

1.1 Les mesures prises par l’Etat

Le Prêt Garanti par l’Etat (PGE)

Ce dispositif massif et inédit de garantie directe par l’Etat annoncé le 16 mars par Emmanuel Macron vise à garantir 300 milliards d’euros de prêts bancaires dont les entreprises pourraient avoir besoin à cause de l’épidémie de Covid-19. Ce prêt de trésorerie pourra représenter jusqu’à 3 mois de chiffre d’affaires ou deux années de masse salariale pour les entreprises innovantes ou créées depuis le 1er janvier 2019. La garantie de l’Etat est accordée à hauteur de 70%, 80% ou 90 % du montant du prêt, selon la taille de l’entreprise. Au 2 avril, 6 milliards d’euros avaient déjà obtenu un pré-accord de la part des banques.

Ouvert aux entreprises de toute taille, quelle que soit leur forme juridique et leur secteur d’activité, le PGE fait l’objet d’un « cahier des charges » détaillé par arrêté du 23 mars mais suscite encore de nombreuses questions, notamment suite aux annonces de Bercy quant à l’impossibilité de cumuler versement de dividendes et PGE

Création du Fonds de Solidarité aux entreprises

Crée par l’ordonnance n°2020-317 du 25 mars 2020, le Fonds de Solidarité, financé par l’Etat, les régions et les collectivités d’outre-mer, a vocation à aider les plus petites entreprises (TPE, micro-entrepreneurs, indépendants et professions libérales) particulièrement touchées par les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19 (notamment celles ayant fait l’objet d’une fermeture administrative). Les compagnies d’assurance ont déjà annoncé une contribution de 200 millions d’euros.

Ce fonds permet de verser aux entreprises concernées une aide directe forfaitaire d’un montant égal à la perte déclarée de chiffre d’affaires en mars 2020 pouvant aller jusqu’à 1.500 €. Pour les situations les plus difficiles et pour les entreprises ayant au moins 1 salarié, une aide complémentaire forfaitaire de 2000 € peut être attribuée pour éviter l’ouverture d’une procédure collective, au cas par cas.

1.2 Les mesures prises par Bpifrance

Détenue à la fois par l’État français et par la Caisse des Dépôts et Consignations, Bpifrance est une banque publique d’investissement chargée notamment de soutenir les PME, les ETI et les entreprises innovantes en appui des politiques publiques de l’État et des régions.

La garantie Bpifrance

Bpifrance agit sur la garantie des prêts, son principal levier traditionnel d’action. Le niveau de garantie des crédits a ainsi été relevé à 90% (contre 70% auparavant) de telle sorte que la banque prêteuse ne supporte plus que 10% du risque de crédit.

Cette mesure, prise en coordination avec les banques commerciales et les régions, s’applique :

– aux prêts de 3 à 7 ans accordés par les banques privées françaises ;

– aux découverts bancaires confirmés pour une période de 12 à 18 mois par les banques ; et

– à la prolongation des garanties classiques des crédits d’investissement, pour accompagner les réaménagements opérés par les banques, sans frais de gestion, pour une durée de 6 mois.

Le réaménagement sur demande des crédits moyen et long terme pour les clients Bpifrance

Bpifrance suspend le paiement des échéances en capital et intérêts de la majorité des financements qu’elle a octroyés, à compter du 24 mars et pour une durée de 6 mois. Cette suspension sera automatique pour le plus grand nombre de clients, avec la possibilité pour les autres d’en bénéficier sur simple demande.

Les prêts de soutien (Prêt Atout/Prêt Rebond)

Bpifrance propose des prêts sans garantie pour faire face aux besoins urgents des TPE, PME et ETI :

– le Prêt Atout : prêt sans garantie de 3 à 5 ans pour les PME (jusqu’à 5 millions d’euros) et les ETI (jusqu’à 15 millions d’euros) avec un différé d’amortissement jusqu’à 1 an. Le Prêt Atout renforce la trésorerie de l’entreprise pour lui permettre, dans un contexte conjoncturel exceptionnel (la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 par exemple), de résoudre ses tensions de trésorerie passagères (et non structurelles), dans l’attente d’un retour à des conditions normales d’exploitation.

– le Prêt Rebond : en coopération avec les régions, prêt sans garantie de 10.000€ à 300.000€ pour les TPE et PME (sur 7ans avec 2 ans de différé d’amortissement), rencontrant des difficultés conjoncturelles ou une situation de fragilité temporaire liée notamment aux mesures de cantonnement prises dans le cadre du COVID-19

2. Les mesures prises par les banques françaises

Plusieurs mesures, articulées avec les dispositifs publics exceptionnels de soutien aux entreprises, ont été décidées par les établissements bancaires (annoncées par la FBF) :

– mise en place de procédures accélérées d’instruction situations de trésorerie tendues, dans un délai de 5 jours ;

– report jusqu’à 6 mois des remboursements de crédits pour les entreprises ;

– suppression des pénalités et des coûts additionnels de reports d’échéances ;

– mise en place des prêts garantis par l’Etat.

En revanche, aucune position de place n’a été prise par les établissements bancaires pour le report des échéances d’intérêts.

II. Allègement des contraintes applicables au secteur bancaire et financier au niveau européen et national

1. Assouplissement des normes prudentielles applicables aux établissements bancaires

1.1 Assouplissement des exigences en matière de fonds propres

Le 12 mars 2020, la Banque Centrale Européenne (BCE) a décidé d’alléger temporairement les exigences de fonds propres règlementaires en permettant aux banques européennes d’opérer temporairement en-dessous :

– du niveau de fonds propres défini par les recommandations du P2G (Pilliar 2 Guidance) et d’utiliser partiellement les instruments de fonds propres qui ne sont pas éligibles en tant que CET 1 pour répondre aux exigences du P2R (Pillar 2 Requirement) ;

– des exigences relatives au coussin de conservation de fonds propres (exigence de 2,5% au 1er janvier 2020) ; et

– du ratio de liquidité LCR (exigence de 100% en 2020).

Pour mémoire, le niveau de fonds propres défini dans le cadre des recommandations du P2G vient en supplément des exigences minimales en fonds propres ; il est fixé sur la base d’une analyse des risques propres à chaque établissement. Les coussins de fonds propres et de liquidité ont été conçus en vue de permettre aux banques de résister à des situations de tensions telles que la crise actuelle. Le secteur bancaire européen a constitué de tels coussins en volume important (le ratio de liquidité LCR impose aux banques de détenir suffisamment d’actifs liquides pour survivre à une crise de liquidité aigüe de 30 jours).

La BCE a estimé que l’allégement des besoins en fonds propres permettrait aux banques de la zone euro de financer potentiellement 1.800 milliards d’euros de prêts.

Dans la lignée de ces mesures, le Haut Comité de Stabilité Financière (HCSF) a annoncé le 18 mars 2020 avoir décidé de « relâcher intégralement le coussin de fonds propres bancaires contra-cyclique ». En conséquence, par décision n° D-HCSF-2020-2 du 1er avril (JO 4 avril 2020), le HCSF a abaissé le taux du coussin de fonds propres contra-cyclique à 0% pour les établissements de crédit, les sociétés de financement et les entreprises d’investissement à compter du 2 avril. Ce taux restera à 0% jusqu’à nouvel ordre. Pour mémoire, celui-ci était en principe fixé à 0,25% des actifs pondérés par les risques sur les expositions françaises des établissements de crédit et devait passer à 0,5% à partir du 2 avril 2020.

1.2 Report des stress-tests bancaires en 2021

Le 12 mars dernier, l’Autorité Bancaire Européenne (ABE) a annoncé le report en 2021 des tests de résistance bancaire (stress-tests) prévus en 2020 afin de permettre aux établissements bancaires de « se concentrer sur l’octroi de crédit notamment à l’égard des entreprises ». L’ABE mènera cette année un exercice de transparence supplémentaire à l’échelle de l’UE afin de fournir aux acteurs du marché des informations actualisées sur les expositions des banques et la qualité de leurs actifs.

Menés annuellement par les banques centrales sous l’égide de l’ABE, les stress tests consistent à simuler des conditions macro-économiques et financières négatives afin d’évaluer la capacité de résistance des établissements bancaires face à de telles situations.

1.3 Report de la réforme bancaire de Bâle III

Le Comité de Bâle, organisme chargé de définir les standards minimaux en matière de contrôle prudentiel, a décidé de reporter d’un an la réforme prudentielle de Bâle 3 au niveau mondial pour permettre aux banques d’être en mesure d’engager toutes leurs ressources pour répondre à l’impact de Covid-19. Prévue initialement pour une entrée en vigueur progressive entre 2022 et 2027, elle sera mise en place entre 2023 et 2028.

Finalisés il y a deux ans, les accords de Bâle 3 visent à renforcer la qualité et le niveau des fonds propres des banques et devaient se traduire par des dizaines de milliards d’euros d’exigence en fonds propres supplémentaires pour les banques européennes.

2. Des nouveaux apports de liquidité aux banques

Au soutien des décisions budgétaires prises par les gouvernements des pays de l’UE, la BCE a adopté plusieurs mesures d’injections de liquidité :

– des opérations immédiates de fourniture de liquidité abondante à des conditions favorables pour les banques de la zone euro (« LTRO – long term refinancing operation » à échéance juin 2020) ;

– des conditions plus favorables de mesures ciblées de crédit (« TLTRO 3 – Targeted longer-term refinancing operations») : les banques qui maintiendront leurs prêts à l’économie pourront bénéficier d’un taux d’emprunt sur trois ans, allant jusqu’à -0.75%, avec une enveloppe qui peut couvrir jusqu’à 50% de leurs crédits (contre 30% auparavant). Cette mesure garantit le soutien aux entreprises, notamment aux PME.

Le 12 mars, la BCE a débloqué une enveloppe de 120 milliards d’euros jusqu’à la fin de l’année, pour racheter des obligations d’États et d’entreprises en 2020, s’ajoutant aux flux mensuels de 20 milliards d’euros existants. Le 18 mars, elle a annoncé le lancement d’un nouveau dispositif baptisé « programme d’achat urgence pandémique » (ou PEPP) qui lui permettra d’acheter pour 750 milliards d’actifs.

3. Recommandation sur les distributions de dividendes et les rachats d’actions

Si la BCE avait déjà demandé explicitement aux banques de ne pas augmenter leurs dividendes ou la rémunération variable de leurs dirigeants lors des annonces du 12 mars dernier1, elle est allée plus loin le 27 mars en demandant aux banques de la zone euro de ne pas verser de dividendes ni de procéder au rachat d’actions.

Le 30 mars 2020, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a donc appelé les établissements de crédit sous sa supervision directe et les sociétés de financement à s’abstenir de distribuer un dividende jusqu’au 1er octobre 2020 et qu’aucun engagement irrévocable de verser des dividendes ne soit pris pour les exercices 2019 et 2020. L’Autorité ajoute qu’aucun rachat d’actions destiné à rémunérer les actionnaires n’ait lieu.

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